Stephanie Pitet (Fondatrice associée – Pitchville)

Cette année encore, Stéphanie PITET, cofondatrice de PITCHVILLE, a eu le plaisir de participer à la 14e édition du Global Summit organisé à NYC par notre partenaire Adforum.

Le principe est simple et très attrayant : 30 consultants (venus de 10 pays d’Europe, Afrique et États-Unis) dont le métier est de conseiller leurs clients Annonceurs dans leurs sélections d’agences, se retrouvent 5 jours pour rencontrer 23 agences new-yorkaises (appartenant à un réseau international ou capables de travailler pour un client hors USA), afin d’échanger et de se ressourcer sur les tendances de demain dans notre industrie de la communication.

ANNONCEURS, AGENCES,
QUELS ENSEIGNEMENTS POURRAIENT VOUS ÊTRE UTILES ?

 

Des agences “every new challenge” natives

C’est la 6e participation de Pitchville à ce sommet made in USA, et définitivement, les agences new-yorkaises (dont on peut dire qu’elles représentent bien la catégorie, tant elles sont amenées à travailler dans une dimension internationale) ont muri. Elles ne se définissent plus par leur métier d’origine ou culture dominante (publicité, digital, RP…) mais véritablement par leur capacité à apporter des solutions aux problématiques marketing et business de leurs clients (ce qui permet aussi d’adresser la demande de simplification réclamée par les clients).

Face à l’élargissement de leur champ d’action, et le regroupement de leurs offres (« hyperbundling ») plusieurs se sont même définies par « ce qu’elles ne sont pas  », ou se qualifient de « modern agency » qui est une terminologie délicieusement ironique eu égard à l’univers hautement technologique dans lequel nous évoluons.

La plupart ont donc grandi de façon organique, croissance générée par le business développé chez les clients existants, avec des augmentations d’effectifs hallucinantes
(en 12 mois, Publicis est passé de 650 à 1000 personnes et Work & Co créé en 2014 compte aujourd’hui 100 collaborateurs !).

Si cela est porteur de grande valeur ajoutée pour les clients qui sont de plus en plus assurés de voir leurs questionnements appréhendés de manière globale et transversale et très proches du business, cet élargissement du terrain de jeu nourrit en revanche l’éternel débat sur les frontières, les agences nous ayant confié être de plus en plus souvent mises en compétition face à des Bain et Company et Deloitte… cabinets qui eux-mêmes se sont équipés de ressources créatives !

Cette tendance va par ailleurs de pair avec évolution de la formulation des livrables en compétition : positionnement stratégique d’Entreprise, transformation du business model, réorganisation/ pédagogie en interne… autant de sujets où ces cabinets se sont toujours sentis légitimes.

À suivre donc, après la stratégie média, ou le déploiement digital, la bataille pour la stratégie marketing & business !

Des agences qui s’organisent différemment

Dans le prolongement de cette volonté de répondre le plus exhaustivement possible aux demandes des clients, les agences cherchent à adapter en permanence leur organisation :

  • Elles renforcent leur process pour toujours plus de co-construction (ou de « collision », en anglais dans le texte), avec les clients, pour faire émerger les idées (@Wunderman).
  • Elles créent leur propre plateforme sociale pour profiter des contenus à partager (@Possible) ou repenser les lieux pour favoriser la coopération (@Mirum).
  • Elles continuent de miser sur les data pour inspirer les créatifs car celles-ci fournissent de précieuses informations sur le comportement des gens (@Wunderman). Les agences cherchent d’ailleurs aujourd’hui à les modéliser ou codifier pour faciliter leur utilisation et le partage avec les collaborateurs (cf. les « behaviors scientists » @Publicis) et déboucher sur des actions concrètes à mettre en place.
  • Elles multiplient les centres d’excellence (@Nurun, @Publicis, @Possible), ou les formats de travail, où les équipes évoluent dans des centres de ressources autonomes, avec certes des séquences de contrôle mais le management est au centre… et tout le monde est responsable du produit stratégique et créatif ! (@Bigspaceship)
  • Elles initient des partenariats avec les « frenemies » d’hier : Google, Amazon, Facebook, Vice, Adobe… De véritables échanges de data en temps réel, de contenus ou de services (produit disponibles uniquement sur Amazon par ex.).
  • Elles réfutent l’idée que les clients puissent confier leur présence sur les médias sociaux à une agence spécialisée, déconnectée de l’agence principale… un vrai pédalage à contre-courant ! En effet, il ne s’agit plus de créer une simple application ou de générer une conversation… il s’agit de vivre avec en permanence, puisque tout est une question d’attitude et de comportement!
  • Elles cherchent (toujours davantage) à mettre en avant l’expérience conso en la rapprochant du produit: c’est possible aujourd’hui de connecter réellement le social et le mobile au commerce (enfin !). A noter le succès d’@Work & Co, agence indépendante qui développe des digital expériences (produits et services) que les consommateurs utilisent chaque jour.
  • Elles procèdent à des rachats ou fusions significatifs: Hawkeye (CRM-Digital) chez Publicis ; Fusion Mullen et Lowe (avec rebranding de l’offre intégrant également Profero, le media et l’activation dans une seule offre), lancement de Mirum (la réunion des agences d’entrepreneurs Digital et Innovation marketing) chez JWT.
    Elles se rapprochent également de leurs ressources média.
  • Elles sont ouvertes à de nouveaux modèles de rémunération, davantage basés sur la performance, voire même @Airbnb, une agence payée au nombre de nuitées louées !
  • Elles challengent leur propre Holding le cas échéant. Selon le modèle vertueux d’IPG en « open architecture », le client doit faire confiance à l’agence et l’agence doit faire confiance à sa holding pour fournir capitaux et recruter/retenir les talents !

Des agences pionnières, qui persistent et signent,
avec succès, dans leur positionnement

Mention spéciale pour le best in class Sapient (13 000 collaborateurs, 37 bureaux !) qui a rejoint le groupe Publicis fin 2014. À la frontière entre technology et story
(le « storyscaping » que nous avions découvert dans une édition précédente),
ils accompagnent la transformation business de leurs clients en identifiant, à l’aide de data, des insights particulièrement pertinents sur le comportement des consommateurs, leurs parcours d’achat et les produits. Exemple anecdotique mais parlant : la data nous dit que les jeunes mères consomment des jeux sur leurs smartphone pendant leur temps de shopping… ne serait-ce pas plutôt qu’elles ont laissé le téléphone à leur enfant pour l’occuper ? Leur savoir-faire unique, combiné à la qualité du portefeuille de clients de Publicis, nous promet de remarquables case-studies pour les années à venir.

Des agences qui savent se réinventer, comme le brillant exposé de TBWA qui nous a démontré à quel point la disruption (« Disruption is our software ») est un concept qui n’a pas pris une ride, et ne sera jamais achevé (« Always in beta ! ») ! Le nom est d’ailleurs devenu un générique dans la profession. Ils se positionnent résolument comme l’agence des marques du XXIe siècle. Grâce à la « Disruption Strategy », Airbnb a ainsi fait voler en éclats la vieille croyance du « On ne parle pas aux étrangers », pour faire de l’hospitalité autour du monde leur marque de fabrique. Par leur nouveau mode de gouvernance, ce sont ces clients challengent eux-mêmes l’agence !

Les clients plus traditionnels (Gatorade, Nissan, Mastercard) chercheront dans la « Disruption live » nouveau concept enrichi de la Disruption, à avancer « at the speed of culture » dans un cercle vertueux et permanent  (définition d’insights pertinents, discussion dans un open briefing réunissant toutes les parties prenantes, passage par la cellule d’audience planning pour la transformation en création, contenus, diffusion, connexion de tous les touch points entre eux).

Enfin, la Disruption va plus loin que le marketing et la communication, elle irrigue l’Innovation en ayant identifié une quinzaine de modèles/produits/services qui génèrent de nouvelles façons de réfléchir, travailler, se rassembler, faire du business !

 

Et la création dans tout ça ?

Peut-on faire passer de l’émotion autrement que par une superbe création, et un soin particulier apporté au « craft » (= qualité de l’exécution et du « fini » apporté aux réalisations) ? À ce petit jeu, les valeurs sûres s’en sortent le mieux.

L’excellent Andrew Robertson (global CEO de BBDO) nous a démontré comment
les émotions construisent des marques plus fortes. Lorsque les créations secrètent en nous de la dopamine (activateur, fonction addictive) et de l’ocytocine (confiance, sécurité), il a été prouvé scientifiquement que les campagnes sont plus efficaces ! Parce qu’à trop rechercher la certitude (le rationnel), on atteint souvent une créativité moyenne et fade.

Et c’est bien lors de la session avec MullenLowe que plusieurs consultants ont versé une petite larme devant les campagnes American Greetings (4 mn de vidéo avec de vrais entretiens d’embauche suite à une fausse petite annonce pour le « World’s toughtest job »… celui de mère !) ou Knorr (« Flavor of Home »), voire des larmes de rire sur l’opération Nazis against Nazis (plus les néo-nazis parcourent de kilomètres, plus le volume d’une collecte de fonds pour la réhabilitation des nazis augmente !)

Et DDB (Chicago) toujours en forme avec sa campagne inventive sur Twitter « Lovin’ The Super Bowl » de McDonald’s.

Et le contenu ?

Au cœur de tous les dispositifs, comme une évidence, le contenu a été régulièrement mis en avant par les agences.

À surveiller, la nouvelle structure de David Jones (ex Havas), You & Mr. Jones, qui se positionne comme un global brandtech group (et qui a levé 350 M$ !) et conçoit, diffuse et mesure du contenu ad hoc pour les marques, de manière « industrialisée » et économique en terme de production. Sa structure est composée de différentes startups dans lesquelles il a pris des participations (Mofilm, Pixlee, Mashable...) et dont il agrège les ressources. Il se rémunère sur la création et le nombre de vues.

Ou la très prometteuse agence Possible (WPP).

Et pour toutes, un recours massif à Periscope (l’application de vidéo en streaming lancée par Twitter) !

Pour renforcer leur valeur ajoutée, certaines agences ont fait l’effort de se challenger ! L’agence M&C Saatchi qui vient de se rapprocher de l’agence SS+K, toutes deux ayant une grande expertise des campagnes politiques (both sides !) a identifié quelques tendances/enseignements, issus de leur plongée dans le peuple américain, pouvant s’appliquer à toutes les marques en général.

Le paysage démographique a changé (la majorité des – de 50 ans provient des minorités d’hier). Le puissant acteur du tourisme, Airbnb, ne possède pas une seule chambre. Le rêve américain n’est plus la réussite personnelle mais le communautarisme, le partage (de valeurs), la confiance. L’implication dans un mouvement ne sera efficace que si la cause a des résonnances personnelles. Les consommateurs recherchent une véritable authenticité (cf. le succès du parler vrai de Donald Trump !). Enfin, il est préférable de rester fidèle à son territoire (d’action), ne pas se disperser (et conserver des idées simples !).

Et la place des femmes, sinon ?

Comme en France, les femmes sont bien peu représentées… Saluons les initiatives de SELECT NY où les femmes sont davantage représentées que la moyenne dans le management ; TBWA qui s’est engagé dans les années à venir à porter à 20% le nombre de postes stratégiques occupés par des femmes et IPG qui est aussi un bon élève en matière de promotion féminine (40% à des postes executive)

D’une manière générale, les « nouvelles » agences accordent aussi plus d’importance aux RH, conscientes que les recrutements sont clés dans des organisations où il faut identifier des profils singuliers et polyvalents (partager et travailler ensemble, vite).

NB : victime de son succès, l’agence RG/A est devenue largement contributrice au renouvellement des équipes dans les agences concurrentes si l’on en croit le nombre de nouveaux recrutements présentés qui en provenaient !

Et sur la forme ?

Les agences sont restées finalement (trop) sages (ie. 98 % de Powerpoints !). Bravo à Cheil, l’agence coréenne qui était dédiée à Samsung à l’origine, et qui a profité de cette avancée technologique permanente et d’acquisitions pertinentes (The Barbarians group, Iris...) pour conquérir de nouveaux clients sur fond d’Innovation. Fidèles à leur philosophie TU:HON, intraduisible, mais suggérant la capacité à voir les choses sous un angle différent, ils ont recréé pour nous, dans 5 salles séparées, 5 expériences qu’ils ont fait vivre aux clients de leurs clients. Lorsque l’on revendique la force de l’expérience utilisateur, c’est essentiel !

N’oublions pas

Les agences dont nous n’avons pas encore la réplique en France :
Martin Agency (IPG), PI&C (People, Ideas, Culture), iCrossing (groupe Hearst) qui est passée d’un positionnement « search » à un positionnement « marketing » et dont les recos sont guidées par la performance, et les insights issus de la data et du formidable contenu provenant des publications du groupe Hearst (Cosmopolitan, Marie-Claire, + radios, TV…). Pour Toyota, au-delà du responsive design, ils ont imaginé le site internet qui se personnalise au fur et à mesure des visites et du profil de l’utilisateur.

L’agence Walton Isaacson fondée par le basketteur Magic Johnson, et qui est une vraie alternative pour les clients souhaitant s’adresser aux minorités.

Ou Kbs+ (groupe MDC partners), managée par Guy Hayward (ex Havas), qui se veut aussi solide qu’une agence intégrée et aussi agile et innovante qu’une agence digitale.

 

En conclusion

  • Mobile et social : il ne s’agit plus de créer une simple application ou de générer une conversation… il s’agit de vivre avec en permanence, puisque tout est une question d’attitude et de comportement !

  • Les consommateurs ne veulent plus entendre parler d’histoire, ils veulent être partie prenante dans l’histoire !
  • L’agence du futur devra non seulement anticiper les attentes et les comportements des cibles, mais elle devra concevoir un contenu qui respecte l’authenticité de la plateforme sur laquelle se trouve cette cible.

Elle devra toujours rester proche du produit, s’impliquer même davantage dans son développement !

Maintenant que création, technologie et data sont efficacement connectées, elle devra les transformer aussi vite que possible en expériences, en moments, en campagnes.

Elle devra toujours renforcer la dimension communautaire… parfois le client n’est pas (encore) une marque mais une communauté qui va générer une marque !

Original article http://www.pitchville.fr/dernieres-nouvelles-from-ny/#.VjCuEq4veRt 

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